Dans la deuxième édition de notre rubrique intitulée «Les Chroniques du Cinéma», et avant de publier un compte-rendu du Forum des Métiers du Droit, nous vous proposons de découvrir, ce mois-ci, le film «L’Exercice de l’Etat» sorti en octobre 2011, et signé Pierre Schoeller. Ce film a reçu un bon accueil de la critique, notamment lors de la dernière Cérémonie des Césars, où il a su résister face au rouleau-compresseur «The Artist». Après «Versailles» (2008), où le réalisateur nous offrait une plongée sans concessions dans la pauvreté de notre pays, en s’arrêtant aux portes du célèbre Château, Pierre Schoeller finit par pousser les portes du pouvoir, en s’attaquant aux dorures des Palais de la République, là où l’on court après le pouvoir.

Bertrand Saint-Jean (joué par Olivier Gourmet), ministre des Transports, est réveillé en pleine nuit par Gilles, son directeur de Cabinet (joué par un Michel Blanc époustouflant dans un registre totalement inédit) lui annonçant qu’un car avait basculé dans un ravin, faisant nombre de victimes. Face à un aussi tragique événement, les deux hommes ne peuvent qu’afficher leur unité. Pourtant, dans l’ombre, ces derniers s’opposent de façon virulente sur un dossier ultra-sensible, la privatisation des gares françaises. Saint-Jean s’y oppose farouchement, alors que son directeur de cabinet soutient ce projet. Désavoué par son collègue des Finances, et se sachant sur la sellette, il doit tout faire pour sauver sa peau.

Bande-annonce

Dans ce film, pure fiction mais pourtant très réaliste, Pierre Schoeller donne tout son sens à l’expression « animal politique ». Le réalisateur dépeint ici le monde politique, comme un monde sans foi ni loi, profondément bestial, où désirs et pulsions hantent, en permanence, l’homme politique. La scènes d’ouverture en est un parfait exemple. En effet, avant de nous montrer le politique dans sa fonction, le réalisateur nous montre, avant tout, un homme quasiment « en rut » suite à un rêve à l’ambiance étrangement proche de celles des films de Stanley Kubrick. Le ton est posé: « L’exercice de l’Etat », avant d’être un film politique, est un film sur le politique, sur l’homme derrière la fonction. D’ailleurs, le choix du ministre des Transports n’est pas anodin. Nous montrer le quotidien d’un ministre à l’influence plus que relative au sein du Gouvernement, permet rapidement à l’homme de prendre le dessus sur la fonction. En mettant ainsi l’homme au cœur du tourbillon quotidien qu’est la politique, le film nous montre justement comment ce tourbillon finit par user les corps et les esprits désenchantés, et donc broyer tout ceux qui servent l’État. Totalement discrédité auprès du grand public dans l’affaire de la privatisation des gares, Saint-Jean, en quête de crédibilité, est réduit à un exercice de communication permanent où l’image prime sur les convictions, image soigneusement façonnée par sa conseillère en communication (jouée par Zabou Breitman). Sa quête prend la forme d’une question, véritable fil rouge tout le long du film: comment éviter la sortie de route, garder le cap face à des événements, des conflits qui le broient au quotidien ?

 «L’Exercice de l’Etat», sans tomber dans le trop caricatural « tous pourris », nous dépeint, tout de même, un monde à part où les convictions semblent si peu importantes. Mais, en pleine période électorale, ce film nous permet de mieux comprendre, de mieux cerner l’homme derrière le politique, ou plutôt la « bête » politique. Bien plus complexe et torturé que le légèrement trop simpliste film de George Clooney «Les Marches du Pouvoir», il nous montre la politique sous un angle, parfois désenchanté voire même désespérant, mais toujours juste et passionnant.

Matthias Michel, Vice-Président



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